Les petits jours
Création dirigée par Patrick Abejean, assisté par Hélène Sarrazin (février 1991, Théâtre d'Auch, Théâtre de la Digue, SIGMA Bordeaux).
Avec : Domi Giroud, Anne-Marie Bonange, Hélène Sarrazin, Jean-Marie Doat, Patrick Abejean.
Une série de tableaux raconte, comme autant d'instantanés photographiques, la vie de Françoise Delpi, femme d'ici et de maintenant.
À la progression du récit s'imbriquent d'autres événements dispersés dans le temps et dans l'espace (apparition de personnages du passé, interventions des comédiens dans divers lieux du théâtre, chansons, notations comiques et inattendues voisinant avec des témoignages plus émouvants).
Les Cyranoïaques poursuivent leur traque du quotidien, une traque joyeuse et inquiète.
Brecht est cité en exergue de leur profession de foi : « Sous le familier découvrez l’insolite… dans chaque règle découvrez l’abus, et partout où l’abus est montré, trouvez le remède ».
Leur remède à eux, c’est la comédie.
La manière de débusquer l’inattendu dans le familier, la force cachée dans la banalité, la performance qui, pour les humbles, consiste tout simplement à vivre, dans la gaité comme dans la peine, les Cyranoïaques la possèdent à merveille.
Leur spectacle est juste, enlevé, plaisamment satirique à certains moments, pudiquement cruel à d’autres, finement brodé comme les petits jours de la taie d’oreiller que Françoise prépare pour son trousseau, à la fois terriblement drôle et tout plein de tendresse, de plaisir de jouer, de talent.
Yvette Lucas Nouvelles Hebdo 31
L’art du roman-photo
Les petits jours ce sont ces broderies dont les jeunes filles ornaient leur trousseau…
Ce sont aussi des journées qui passent sans bouleverser l’histoire, des journées à la petite semaine, des journées qui, de parents peu aimants en amant négligeant, de boulots d’usine en rêves achetés sur catalogues finissent par rétrécir l’univers et les idées de l’héroïne.
Les Cyranoïaques sont d’habiles conteurs : jouant sur l’humour, sur les références populaires de l’orgue de Barbarie et des chansons françaises, sur l’énergie enfin, plus que sur le déploiement de moyens, pointant sans crier au scandale les petites saloperies du quotidien, élevant le roman-photo au rang du grand art.
SIGMA C.D. Sud-Ouest
Le trousseau de Françoise Delpi s’est orné de petits jours, mais c’est pour mieux combler le vide de son existence. Les Cyranoïaques ont installé leur appartement un peu fané sur les planches du théâtre Sorano.
Les comédiens sont à l’image de l’héroïne, surannés, un peu hors du temps, mais surtout polyvalents : ils poussent la chansonnette comme ils respirent, changent de perruques et de plâtres comme un tour de prestidigitation, et disparaissent comme par magie.
Tendre et émouvant.
La Dépêche